Victor O, l’histoire rythmée d’un cheminement pluriel

De quoi bousculer le monde du prêt-à-penser: « Revolucion karibeana » est le titre du premier opus solo de l’artiste Victor O. « C’est l’album de ma révolution, le son de la recomposition de mon puzzle musical », décrypte l’artiste. « Revolucion karibeana » est aussi le nom de l’un des morceaux phares, sa contribution à une prise de conscience déjà bien amorcée : les qualités particulières induites par les mélanges sont une force pour les peuples qui le ressentent comme tel. « Fòk nou doubout dèyè sa nou yé » dit le chanteur mais qui sommes-nous et qui est Victor O ? Beaucoup dateraient ses débuts à l’époque du groupe Dafataïgazz.

Mais c’est en 1987 qu’il commence à construire sa vie d’artiste en tant qu’élève de l’Américan school of modern music à Paris… Trois ans plus tard, comme créateur du groupe f u n c k y – c a r i b é e n Gonaives … Puis en 1994 en signant son premier contrat de co-édition sensitvmusic/warner. Il y travaille d’ailleurs avec le producteur d’actuelles grosses pointures de la scène musicale française comme Lam ou Daddy Nuttea. Dans la même maison, en 1996, Victor O réalise l’album « Pas l’âme d’une dame » de Clémentine Célarié dont il signe la majorité des chansons. À l’époque, l’artiste compositeur tire ses influences des pontes du reggae, de la soul, du Rapp et même de la pop-rock : l’un de ses mentors est le musicien béninois Wally Badarou qui a travaillé avec Joe Cocker, Grace Jones ou Manu Dibango. Fort de ces modèles et armé d’audace, Victor O crée en 1998 son propre label, Appolo production. Parmi ses signatures, l’on trouve notamment le rappeur Twinky ou Jango Jack (issu de Factor X) qui vient d’ailleurs de co-réaliser l’album du finaliste de la Star Academy 7 Mathieu Edward.

Le devenir des artistes produits par Victor O montre qu’il a du nez mais après l’ère du repérage de talents, c’est sur lui qu’il parie, en 2002, en créant Dafataigazz une « expérience musicale » menée avec son ami DJ Walter Wallace. Le groupe accomplit l’exploit de se propulser aussitôt dans le monde des majors signant avec Universal édition et le label Polydor / Universal. Une brillante mais peut-être essoufflante ascension…

Retour aux sources et nouvelle Emergence

En 2004, Victor O lève le pied et retourne dans son pays natal, la Martinique. Commence alors une période de recul qui paradoxalement lui ouvre une nouvelle fois les portes de la scène nationale. « Pendant la présidentielle de 2007 et de manière complètement spontanée, j’ai eu envie de faire passer un message. Un refrain m’est venu à l’esprit… » ; Puis c’est lors d’un brainstorming avec son frère, le plasticien Laurent Valère, que les paroles émergent. Ainsi naît la ballade militante « Le Président », sous titrée « Aboubacar 53% », qui met en scène un homme noir élu à la tête de la République. Le clip, financé à 60% par des entrepreneurs martiniquais, est réalisé par des militants occitans toulousains qui partagent le combat – minorité régionale oblige. En mars de la même année, l’émission « LCI est à vous » repère la vidéo sur le net et s’en suit un effet buzz. Visionnaire Victor O ? Peut-être, comme le montre le cours de l’histoire : deux ans plus tard, un Aboubacar américain, Barack Obama – presqu’un acronyme – est en passe de diriger la nation la plus puissante du monde.

Depuis cette reconnaissance d’envergure nationale, Victor O s’est fait connaître etapprécier du public antillais. Sa popularité locale, il l’a assise surtout grâce à la reprise l’album Léritaj Mona. Ecartelé Victor O ? « Pas du tout, répond-il. Entre Le Président et Eugène Mona , il y a le ‘hasard’, de belles rencontres artistiques ; il y a aussi la singularité des destins de grand hommes éclairés. » Pour Victor O, « Mona est le président de notre conscience artistique. Non, répète-t-il, je ne me sens pas écartelé. C’est même l’une des clefs de ma révolution caribéenne : Mona comme le chaînon manquant, le président comme élément déclanchant, la musique pour le dire. » Réalisé et co-écrit par Joël Jaccoulet, son premier opus est bien l’album de la synergie et de la réconciliation. Parmi les titres phares, « Terres Sainville » en est un reflet : une ballade dans le quartier foyalais où Victor O a travaillé à son retour en Martinique, le quartier où vivaient ses grands parents, sa « Trace », point de départ de sa reconstruction et de sa révolution. « J’y ai découvert au-delàde mes origines familiales, des tranches de vies, de l’humanité, du drame, de l’amour et de la solidarité. Terres Sainville est associé à l’exclusion sociale mais c’est surtout un refuge qui abrite des gens sincères et des valeurs ». Est née de cette expérience une composition touchante réconciliant par les notes et par les mots, identité et universalité, à l’image de l’album. Victor O nous y mène dans l’univers du zouk, ose un compas et tente aussi de nouvelles expériences rythmiques, comme le titre « Mi natty dread » aux sonorités suaves et indéfinissables. Enfin pour ceux qui y voient une identité artistique mal affirmée ou dispersée, l’artiste assume pleinement : l’album « Revolucion karibeana » est le
fruit de son parcours et de ses influences, « la chronique de (sa) boucle personnelle ». Une boucle libre.

Makrelaj 21

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